Les Korotaki
On raconte qu’au cœur des sous-bois de Centalerya, entre les cascades où l’eau chante et la mousse qui tapisse les racines, vivent de petites créatures au charme singulier : les Kororaki. Leur apparence étonne, car chacun porte pour tête un champignon, différent de celui de son voisin. Ces chapeaux de mycélium, aux formes et couleurs variées, dégagent une légère magie, discrète mais bien réelle.
Artistes nés, les Kororaki sont les peintres du monde. Sur des rondins, des écorces ou de simples planches façonnées par la forêt, ils tracent fidèlement l’image des créatures et des peuples qu’ils croisent. Leurs fresques sont autant de chroniques silencieuses, un miroir fragile de ce qui les entoure. Pourtant, leur art n’est pas qu’image : ceux qui adoptent une de leurs peintures sentent leur âme nourrie, apaisée, comme si la couleur et la forme portaient en elles une parcelle de vie.
On les entend souvent fredonner, mais leurs mélodies ne sont pas les leurs : elles viennent du peuple des Mélizel, dont les chants aériens et gracieux résonnent dans leur mémoire. Les Kororaki aiment les reprendre en peignant, comme si l’écho des voix mélizel guidait la main de leurs pinceaux.
Curieux et avides de beauté, ils s’aventurent régulièrement du côté de la montagne Gildin, demeure du peuple draconique. Là, tapis entre roches et arbustes, ils guettent les dragons qui sillonnent le ciel. Nulle peur ne les retient, car ils n’aspirent qu’à capturer sur leurs supports de bois la plus infime nuance de leurs écailles ou la majesté d’une silhouette en plein vol.
Ils sont des êtres joyeux et joueurs, prompts à taquiner ceux qui croisent leur chemin. Les Kororaki raffolent de glands et de baies, qu’ils grignotent avec un plaisir enfantin, tout en laissant derrière eux des peintures et des rires.
Ainsi, dans le grand récit des peuples liés de ce monde, les Kororaki tiennent une place précieuse : celle de gardiens de la mémoire par l’art, de rêveurs insouciants dont les peintures colorent la forêt de mille histoires, nourrissant les âmes autant qu’elles ravissent les yeux.